De la carte scolaire (maj le 17 juin)

L’actuel président, alors candidat, l’avait promis, l’ancienne candidate aussi (mais sous condition que les établissements soient tous égaux -sic) : l’objectif est la disparition de la carte scolaire, même si on en est bien loin.

La ségrégation urbaine étant forte en France (avec des quartiers périphériques des grandes villes concentrant de nombreuses difficultés sociales, quand, dans le même temps, les centres de ces mêmes villes ne permettent plus qu’aux très très aisés d’habiter), on pourrait voir, dans la disparition de l’obligation d’intégrer l’établissement le plus proche, un moyen d’échapper à sa condition et, partant, d’offrir sa chance à tout le monde.

Mais…

Mais, si chacun peut demander l’établissement qu’il veut, nul doute que, devant la forte demande, cela va être aux établissements que reviendra le choix (et non aux familles) de ses futurs usagers et ainsi les élèves les plus en difficulté se verront condamner à rester dans des établissements qui auront vu disparaître leurs meilleurs éléments, donc pires encore. Finalement, cette mesure est d’un cynisme extraordinaire puisqu’elle ne va faire qu’empirer la situation sous prétexte que quelques-uns auront la chance de s’en sortir. Voir l’avis de Marie Duru-Bellat, sociologue qu’on ne présente plus, à ce sujet dans un court entretien dans Libé.

Mise à jour du 17 juin : Libé fait état d’un article à paraître dans le Monde du 18 juin faisant mention d’un rapport sur la première étape de l’assouplissement de la carte scolaire en 2007.

Selon le journal, le rapport juge que le principal effet de l’assouplissement de la carte scolaire a été de dégrader davantage la mixité scolaire, «accélérant les processus sociaux déjà à l’oeuvre depuis des années».

Certains défendent qu’alors les établissements entreront en compétition pour le bien de tous. À voir . Il n’est pas garanti que les établissements dont les élèves fuient verront leurs moyens maintenus. Ce sont d’ailleurs ces établissements qui souffrent le plus des suppressions de poste actuelles (dans un établissement en difficulté, les candidats aux options rares sont moins nombreux, insuffisants en tout cas pour faire une  classe entière et les suppressions de poste y sont donc plus nombreuses) et les 18 000 suppressions prévues l’année prochaine (11 200 cette année) les toucheront probablement plus encore.

Pourtant le statu quo est impossible. Pour lutter contre les inégalités dues à la ségrégation urbaine, certains ont eu de bonnes idées, mais aucune n’a été retenue. P. Merrieu, sciences de l’éducation, proposait de modifier les surfaces des cartes scolaires de façon à ce que chacune voit en son sein la même distribution sociale et il imaginait pour cela des surfaces sous forme de secteurs (part de camembert) partant des centres villes jusqu’aux périphéries. T. Piketty, économiste, proposait que les places de classes préparatoires aux grandes écoles soient constituées des 10% meilleurs de chaque établissement, incitant ainsi les familles plus aisées à réinvestir les établissements plus délaissés. (maj du 17 juin) G. Cohn Bendit se proposait de monter des équipes de profs volontaires pour investir les établissements en difficulté en leur laissant toute liberté d’organisation sous réserve que les objectif des programmes soient atteint ; hélas, à cause de la lourdeur du système éducatif et du manque de volonté politique, ce projet fit long feu. D. Robert (c’est moi ^^), professeur, propose que la carte scolaire disparaisse mais que chaque établissement se voit dans l’obligation d’accueillir la même distribution sociale que dans la société française, ou peu s’en faut.

Mais à l’heure où la Belgique et l’Angleterre, où la carte scolaire n’existait apparemment pas, font marche arrière, la France a choisi, comme pour le primaire, la solution qui a peu de chance de marcher et qui, sous couvert de donner la liberté à quelques-uns, nuira vraisemblablement au plus grand nombre.

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